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Histoires et contes - Page 3

  • Sylvain, l'enfant de la forêt

    J'étais seul dans la forêt et je marchais. Je n'allais nulle part en particulier, content de suivre ce chemin rencontré au hasard, avec l'impression qu'il devait forcément mener quelque part.

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    De temps en temps j'apercevais de loin un animal, qui s'éclipsait aussitôt sans un bruit. J'avais la sensation que j'allais rencontrer quelque chose, quelqu'un. Oui, quelqu'un qui me surprendrait, et je n'allais pas être déçu.

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     J'avais lu des contes évoquant les elfes, les sylphides, les gnomes et autres esprits de la forêt, mais celui qui s'est présenté à moi ne ressemblait en rien à tous ceux-là, c'était juste un enfant.

    Je ne sais ce qu'il faisait là, ni qui l'avait amené ici et sa présence me parut insolite. Je compris par la suite, que c'était un génie, bien qu'il n'en aie aucunement l'allure. En effet les génies, selon l'idée que je m'en faisais, étaient de ces personnes immenses, manipulant à leur guise les pouvoirs magiques, et sachant répondre à toutes les questions. Or Sylvain - c'était son nom – n'avait pas de réponses et seulement des questions. Il ne m'en posa qu'une mais elle fut redoutable : « et maintenant, au jour d'aujourd'hui, qu'est-ce qui te manque pour être heureux ? »

     

    Il avait dit cela avec une telle innocence et un tel aplomb, que je lui fit la liste de tout ce qui me manquait. Habituellement les génies n'acceptent que trois veux, ils n'en veulent pas davantage, or celui-là m'écouta patiemment.

     

    Je me lançais donc dans une longue énumération, et à chaque élément que j'ajoutais, il insistait pour en savoir davantage. Puis invariablement il demandait : « et si tu arrives à obtenir ce dont tu parles, seras-tu heureux ? ». Et c'est ainsi que de fil en aiguille, je continuais la liste.

     

    Habituellement les génies exhaussent tous les veux au fil des demandes, mais lui se contentait d'acquiescer en hochant la tête, revenant toujours à sa question.

    Au bout d'un moment j'en eus fini d'énoncer toutes les choses dont j'étais sûr de manquer, toutes les choses qui me faisaient souffrir, et toutes les choses qui me paraissaient indispensables. Pourtant je continuais la liste en rajoutant ce qui me paraissait utile.

    Et quand j'en eus fini avec l'utile, je continuais avec l'agréable.

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    Au moment où nous arrivions dans une clairière, nous vîmes apparaitre une cabane qui semblait avoir poussé toute seule. Sylvain y entra et s'assit en plein milieu, alors je m'assis à côté de lui. En ayant terminé avec l'agréable, je me surpris à continuer encore en inventant des objets, des relations et des situations, auxquels je ne m'étais jamais intéressé.

     

    Et je continuais ainsi, longtemps, entrainé malgré moi par je ne sais quel besoin impérieux, comme si la perspective du bonheur imminent me semblait redoutable.

     

    Le génie fit mine de ne s'apercevoir de rien, se contentant d'écouter toujours aussi patiemment. Il n'avait même plus besoin de revenir à sa question rituelle, tant elle était ancrée dans mon esprit, revenant sans cesse comme un refrain.

     

    Et moi tout en continuant, je ressentais comme un décalage : c'était comme si j'avais choisi le bonheur comme but ultime, mais qu'en même temps je rajoutais des obstacles afin d'éviter d'y parvenir trop vite.

     

    Pourquoi ? Pourquoi cette peur de reconnaître que le bonheur est probablement là, tout près, à portée de la main ? Qu'il suffisait sans doute de tendre le bras pour le toucher, et là, tout à coup, j'ai croisé le regard de mon petit génie malicieux, et j'ai éclaté de rire !

     

    Un rire sans raison, un rire de joie et d'éclats de bonheur, et nous avons rit tous les deux, emportés par je ne sais quel élan, comme si la vie en lui et la vie en moi ne faisaient qu'un, comme si les barrières de l'âge et les barrières de la logique, les barrières du connu et de l'inconnu, du passé, du futur, du vide et du néant, comme si toutes les limites éclataient face à l'évidence qu'il n'est pas nécessaire, d'une raison particulière pour rire aux éclats.

    Et je me sentis... heureux.

     

    J'en oubliais ma liste de conditions devenues inutiles à présent.

    Alors nous avons dansé, au son d'une musique imaginaire. Et puis nous nous sommes quittés dans la joie.

     

    Texte et photos : Régis

     

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  • Une solide petite graine

    Une solide petite graine Pour écouter cliquer ici

    Il était une fois une petite fleur qui vivait en ville au milieu de nulle part. Elle se sentait petite et impuissante. La pluie l'arrosait rarement, et sa santé était fragile : elle se sentait toute souffreteuse. Tout mouvement lui était interdit, tant le béton l'oppressait. Elle avait envie de mourir, mais n'y parvenait pas. Or la nuit pendant son sommeil, sans qu'elle ne se doute de rien, une goutte de rosée parvenait jusqu'à son visage, la rafraîchissant et la nourrissant secrètement. C'est ainsi qu'insensiblement, la petite fleur grandissait. Fleur-Beton.JPG Vint un jour où l'une de ses maigres racines, parvint à trouver une fissure. A la moindre ondée ou même, dès que la brume du matin franchissait le seuil de l'aube, la petite racine progressait en secret à l'intérieur de sa fissure protectrice qui peu à peu, devint un peu plus large. La croissance était si lente, que personne ne se soucia d'elle pendant de longues années. La petite plante n'était pas bien fière, car les gens passaient près d'elle sans même la voir ni la saluer. Un jour d'été, arriva un homme épuisé. Il semblait avoir beaucoup marché, elle eu pitié de lui et le couvrit de son ombre. Alors l'homme sourit et leva le bras vers la première branche. Avec une grande douceur, il attrapa un fruit, le porta à sa bouche, et ria de bonheur. Et c'est ainsi qu'elle réalisa, qu'elle avait un ami.

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  • Rentrée des classes : Lettre à un ado

    Un petit conte, pour un ado que j'aime beaucoup...

    Salut, toi !

    Je t’écris depuis la planète Avenir, où je me suis rendu pour savoir, si elle est habitée et pour connaître, les avantages et les inconvénients, et la mentalité des gens, mesurer la température du temps...

    Et l’on m’a dit là-bas, que les temps étaient changeants, des orages éclatant par moments, sans qu’on puisse savoir où et quand... mais que néanmoins globalement, malgré les éclairs, et le son du tonnerre grondant dans le lointain, il y avait moyen, de tirer son épingle du jeu et même, de vivre confortablement. Seulement les règles qui s’appliquent là-bas, ne sont pas exactement celles d’ici-bas, et il est vrai qu’avant de s'y aventurer, il est des choses qu’il faut bien connaître...

    Il est vrai qu’il faut travailler huit heures par jour, minimum. Et pour gagner un minimum, il faut avoir des diplômes, maximum. Et pour gagner ses diplômes, il faut faire des études, sinon : décrépitude. « Quand t’as pas la monnaie, décrépitude assurée », c’est ça la loi de la rue, malheur aux vaincus !

    Alors ils font tous la course, là-bas, pour des petits bouts de papier, sur lesquels on peut voir marqué : « C’est toi qui sait », même si c’est pas vrai. C’est comme, tu vois… les courses de chevaux, à Sienne, en Italie, pendant les fêtes du Palio, où il y a des chevaux, des fleurs et des drapeaux.

    Mais là c’est tout le monde qui court, à pieds, à cheval ou en voiture, les chevaux, les lapins et les tortues, les chats, les chiens et les souris, tout le monde court, c’est la fête… Et cette fête dure longtemps, plusieurs mois, plusieurs semaines, c’est une course d’endurance, une course de fond. Alors il y a ceux qui s’arrêtent au bord du chemin, pour dormir, et puis qui repartent.

    Il y a ceux qui rêvent aussi, qui rêvent qu’ils courent mais qui ne courent pas ! Et puis il y a ceux qui ne faiblissent pas. Souventes fois dans les temps anciens de la planète Avenir, on a entendu courir, la rumeur d’une certaine fable de la fontaine, murmurant au fil du temps, qu’il était une fois un lièvre qui courait plus vite que le vent, du moins c’est ce qu’il croyait, durant le temps qu’il rêvait...

    Le rêve oui le rêve, tel est le piège aussi pour le conducteur qui rentre la nuit et qui rêve, qu’il négocie parfaitement son virage, alors que la voiture en fait continue tout droit et qu’il dort, inconscient de ce qui lui arrive ! Comment sortir de ce piège, quand on dort il est trop tard ! Peut-on sortir de ce piège sinon en déroulant le film à l’envers, pour savoir comment on s’est fait piéger par le sommeil ? Avoir son compte de sommeil avant de prendre sa voiture, c’était peut-être ça la solution…

    Avoir son compte de sommeil, oui, c’est ça qui compte, dans une course de fond où la capacité de récupération, compte autant que l’effort. Avoir une vie saine et régulière, avec du repos et des repas aux étapes, c’est ça qui compte, m’ont dit les gens de là-bas, pour faire de la course une fête, avec des chevaux, des fleurs et des drapeaux. Sinon ce n’est que pleurs et grincements de dents, efforts laborieux et souvent vaincs, énergie désespérée comme vagues se brisant sur le rivage.

    Pour en avoir le cœur net, et connaître les coutumes de cette planète, avant de revenir ici dans le présent, ici et maintenant, je m’en fus voir un vieux sage. Il habitait dans la montagne au-dessus de la mer des nuages, et nonobstant son très grand âge, il avait les yeux clairs et le regard portant loin. Si bien que les gens des parages, avaient coutume de dire, qu’il pouvait prévoir le passé aussi bien que l’avenir.

    En arrivant je lui ai dit : « les gens de la Terre redoutent l’Avenir, ils ont peur du chômage, de la fin du pétrole, de la pollution grandissante et du réchauffement climatique ». Le vieux sage m’a répondu : « Crois-tu que le passé soit plus facile à vivre que l’Avenir ? Si on inversait le sens du temps, et que tu doives affronter la guerre de cent ans, crois-tu que ce serait plus facile ? ».

    Et il ajouta : « tes parents et tes grands parents, n’ont-ils pas dû subir deux guerres mondiales et une guerre froide, avec suffisamment de missiles, pour faire éclater ta planète, au cas où quelque imbécile, eu appuyé sur le bouton ? » Je dus admettre qu’il avait raison, les temps n’ont jamais été faciles.

    Mais je protestai tout de même : « Oui mais j’entends dire partout, que la lutte de classe fait rage, la mondialisation, n’étant pas à l’avantage, des plus démunis d’entre-nous ».

    « L’oppression de l’homme par l’homme, me dit le vieux sage, a toujours existé, même très loin de par le passé ». Je dus admettre que c’était vrai.

    « Mais alors lui dis-je, pourquoi est-ce que tous ces braves gens, ces visionnaires et ces savants, nous parlent toujours de l’avenir, en termes qui nous font frémir ? »

    « C’est parce qu’ils ne sont jamais venus ici, me dit-il, et si tu veux mon avis, c’est ainsi qu’ils se donnent du courage : en faisant frémir les autres ils se donnent l’illusion, d’être par comparaison, courageux et prévoyants. »

    « Vous y allez un peu fort lui dis-je, tout de même, ils le font dans une bonne intention ! »

    « Oui mais ont-ils des solutions ? » me dit-il.

    Je dus admettre qu’ils n’en avaient pas. Le vieux sage demanda : « S’ils sont animés de bonnes intentions, comme ils le disent, alors pourquoi parlent-ils tout le temps de problèmes, et jamais de solutions ? »

    Devant mon silence il ajouta : « L’humanité depuis toujours, a eu le courage d’inventer. Ces philosophes et ces savants, et tous ces gens, spécialement intelligents, est-ce que leur métier, c’est pas d’inventer justement ? »

    Puis il termina en ces termes : « Il y a plusieurs planètes nommées Avenir. Tu n’en a vu qu’une, il y en a de plus tristes, et aussi de plus gaies. Sur certaines, les habitants ont choisi le bonheur pour but. Sur d'autres ils ont choisi le pouvoir.

    Tout dépendra de ce que feront tes enfants, et les enfants de tes enfants. A chaque génération il est demandé de faire un peu plus, un peu mieux, un peu plus parfait. »

    « Mais comment donc nos enfants pourront-ils faire mieux que nous ? » lui demandais-je. Le vieux sage répondit : « Parce qu'ils idéalisent leurs parents, les jeunes enfants apprennent rapidement : c'est surtout par mimétisme qu'on apprend. Je me suis laissé conter, par un de mes amis renard, une assez curieuse histoire. Deux petits renardeaux, dégourdis et rigolos, se moquaient toujours de leur mère, de leur père et de leur grand-père. Ils préféraient batifoler, jouer à leurs jeux préférés, plutôt que d'observer, ce que les grands faisaient. Ils préféraient imiter leurs voisins, leurs copains et leurs cousins, et ne surent jamais vraiment bien chasser ».

    Il reprit : « Si vos enfants sont capables de voir plus loin que vous, c’est parce qu’il sont assis sur vos épaules. Soyez reconnaissants envers les générations passées : ce sont elles qui vous soutiennent. Envers les générations futures soyez confiants, et si vous les aimez vraiment, alors soyez exigeants : car c’est lorsque vous placerez la barre très haut, qu’ils donneront le meilleur de leurs talents».

    Et c’est ainsi que je revins de la planète Avenir, non pas sens dessus dessous, mais plutôt... sans soucis.

    Régis, pour Enzo, 12 ans